Comment Skoda a tout fait pour ne pas être le Dacia de Volkswagen
- Alain-Gabriel Verdevoye, Challenges.fr
- 23 juil. 2017
- 4 min de lecture
Skoda bat un nouveau record de ventes au premier semestre. La firme tchèque n'est plus une marque à bas prix. Même si ses coûts sont inférieurs à ceux de la maison-mère Volkswagen.

Encore un record. Alors qu'elle bénéficie actuellement d'une exceptionnelle visibilité en tant que sponsor du Tour de France, la marque tchèque réalise le meilleur premier semestre de son histoire. Skoda enregistre 585.000 livraisons sur les six premiers mois de 2017 (+2,8%). Sur le seul mois de juin, la firme de Mlada Boleslav a dépassé son record, avec 105.200 véhicules livrés (contre 98.800 en juin 2016). Les plus fortes hausses sont réalisées en Europe de l'est (+13%) et centrale (+14%). Elles augmentent aussi en Russie (+6,7%), en Europe occidentale (+4,1% à 252.300 véhicules). En revanche, les ventes baissent en Chine (-8% à 145.800 ).
Hausse des prix
Fini le temps où Skoda réutilisait d'anciennes plateformes de la maison mère Volkswagen. " Nous profiterons immédiatement de la nouvelle base de Volkswagen dédiée aux électriques, prévue pour 2020 ", souligne Lahouari Bennaoum, directeur de Skoda France. En attendant, les nouveaux SUV Skoda le grand Kodiaq et le compact Karoq partagent déjà moteurs, transmissions, et connectique avec le dernier Tiguan de Volkswagen.
Les Skoda n'ont plus rien à voir avec les Dacia roumaines low cost de Renault. Le groupe allemand a vite compris qu'il n'arriverait pas à gagner de l'argent s'il ne montait pas en gamme. Les tarifs s'éloignent donc de ceux de Dacia, avec une sacrée hausse des prix. Ceux-ci démarrent en France à 9.500 euros (minicitadine Citigo), mais culminent à 47.850 (grand break Superb Combi 2.0 TSI 280 en finition de luxe Laurin & Klement). Soit l'éventail des tarifs Peugeot. " Notre prix de transaction moyen [prix de vente réel après remises] est de 24.400 euros en 2016, soit 700 euros de plus qu'un an plus tôt ", assure Lahouari Bennaoum. A peu près au niveau de Peugeot et très au-delà de Dacia, qui affiche un prix de transaction autour de 11.500 euros en Europe.
Volkswagen a habilement positionné la firme tchèque. Désormais, la berline moyenne Octavia, la plus vendue des Skoda, " est au prix d'une Golf ", explique Jacques Rivoal, ancien président du groupe Volkswagen France. Alors, quel intérêt pour le client de choisir la berline de Mlada Boleslav? L'Octavia " a l'avantage d'avoir plus d'espace intérieur, puisqu'elle appartient à la catégorie supérieure par ses dimensions ". Une Octavia mesure 40 centimètres de plus qu'une Golf, dont elle partage la plateforme, avec un coffre plus grand de 60%. Toute l'astuce est là: " On s'adresse à une clientèle familiale, rationnelle, qui roule plus que la moyenne et demande de l'habitabilité, du confort, de la fonctionnalité et de la modularité ", poursuit Jacques Rivoal. Mais aussi aux chauffeurs de taxi, VTC, représentants de commerce. Le souci des aspects pratiques, dans le maximum d'espace utilisable, se retrouve dans les détails, comme les parapluies qui viennent se loger dans les portes arrière d'uneSuperb ou le grattoir antigel dans la trappe à essence.


Moindres coûts salariaux
Un positionnement qui permet aussi de ne pas faire de Skoda une sous-marque de Volkswagen, en concurrence directe. A peine 1% des clients de la marque tchèque avaient une Volkswagen auparavant. " Ils ont fait un formidable boulot de montée en gamme avec la qualité et la crédibilité du groupe ", reconnaît un rival français. Résultat: la valeur résiduelle des Skoda n'est plus si éloignée de celle des Volkswagen. Au bout de trois ans et 60.000 kilomètres, un Kodiaq (2.0 TDI 150) se revendra ainsi à 52% du tarif neuf, contre 54% pour un Tiguan équivalent, selon le groupe. A peu près le niveau du 5008 de Peugeot, d'après la marque française. Pas si mal.
Comment fait le groupe de Wolfsburg pour en donner plus à des tarifs voisins de Volkswagen? " Les coûts salariaux tchèques sont trois fois inférieurs à ceux de l'Allemagne ", assure-t-on chez PSA, qui fabrique aussi des voitures en République tchèque (avec Toyota). Ce même différentiel se retrouve dans la production des fournisseurs installés sur place ou en Slovaquie voisine. C'est la principale source d'économies. En plus, " la main-d'œuvre locale est bien formée et compétente ", poursuit cette source.
Skoda réalise aussi des économies dans la présentation, avec des plastiques moins flatteurs, ou des solutions techniques plus simples sur les versions de base. Sans que ce soit au détriment de la fiabilité, proche de celle des voitures de la maison mère, selon les enquêtes consommateurs. La compétitivité et la qualité de fabrication des Skoda sont reconnues, puisque le groupe a investi 450 millions d'euros sur le site de Kvasiny, dans l'est de la République tchèque, afin notamment de fabriquer le SUV Ateca pour Seat, la filiale espagnole de l'allemand, qui se porte d'ailleurs beaucoup moins bien. " Une usine très efficace au niveau des coûts ", souligne Jürgen Stackmann, ex-patron de la firme ibérique qui avait pris la décision en 2014.
Dans un tel contexte, le label vert frappé d'un oiseau stylisé a affiché une marge opérationnelle historique de 8,7% en 2016, dépassant pour la première fois le cousin haut de gamme du groupe, Audi (8,2%). Au premier trimestre 2017, la marge dépasse même 9,5%. La production a atteint aussi un record en 2016 (+11%, à 1,15 million d'unités. Alors tout roule pour Skoda? Il manque encore au constructeur une vraie image de marque. Elle n'est plus mauvaise comme dans les années 1980. Mais aujourd'hui, seulement 18% des clients potentiels le citent spontanément parmi les constructeurs, contre 53% pour Volkswagen. Encore un (gros) effort à faire.
Alain-Gabriel Verdevoye, Challenges.fr


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