Citroën DS 23 Pallas (1972-1975)
- Nicolas Liszewski, L'automobile sportive
- 12 juil. 2017
- 9 min de lecture
L'AVANT-GARDE A 50 ANS ! Depuis sa présentation en 1955 au salon de Paris, la Citroën DS alimente les passions et les polémiques. N'en déplaise à ses détracteurs, la Citroën DS a su s'élever au rang d'incontournable dans le monde des voitures anciennes. Véritablement en avance sur son temps, tant par ses solutions techniques innovantes et surprenantes, que par son design également très moderne, la Citroën DS fêtera en septembre prochain son cinquantenaire. Impossible de passer à côté et de ne pas revenir sur un des modèles phares : la Citroën DS 23...

Lorsqu'à la fin des années 30, Pierre Boulanger et son équipe lance le projet VGD (Véhicule à Grande Diffusion) le cahier des charges est très clair : confort, vitesse et sécurité. Mais très rapidement, les premières études seront bloquées par l'absence de design intéressant. La volonté de Pierre Boulanger de souhaiter que l'on puisse entrer dans l'auto sans ôter son chapeau ne rend en effet pas la tâche facile aux designers. Alors lorsque Robert Puiseux reprend la suite de Pierre Boulanger, décédé en 1950, le projet va s'accélérer. Tout ou presque doit être repensé, imaginé et conçu pour la Citroën DS. Une véritable course contre la montre qui va obliger Citroën, en raison des délais de conception à rallonge, à lancer la Citroën DS 19 au salon de Paris 1955. Les clients essuieront les premiers plâtres de cette nouvelle technologie, le réseau pas préparé prendra peur devant l'ampleur des problèmes et la complexité technique. Sans parler que le moteur sera celui de la Traction Avant refondu faute de budget et de temps pour l'étude d'un nouveau six cylindres plus en phase avec l'idée initiale. Qu'importe, la Citroën DS 19 balaie d'un revers d'innovation tous ses handicaps car il faut se replacer dans le contexte de l'époque : suspensions hydrauliques avec correcteur d'assiette, freins à disques avant, direction assistée hydraulique, embrayage semi-automatique,… Quelle avance sur son temps, sans compter sur son physique à nulle autre pareil dessiné par Flamino Bertoni, designer attitré du Quai de Javel. A partir de 1968, la Citroën DS profite d'un heureux restyling et commence son escalade à la puissance pour atteindre 2,3 litres de cylindrée. D'où l'appellation Citroën DS 23.
Design La Citroën DS 23, c'est tout un symbole. C'est, pour ceux qui auraient connu sa période de production, la reine de la file de gauche sur l'autoroute, tout juste limité. Pour son lifting de 1967, Citroën ne peut plus compter sur Flamino Bertoni décédé en 1964. C'est donc Robert Opron qui va reprendre à son compte la nouvelle face avant de la Citroën DS. L'avant est donc plus plongeant et propose des phares carénés favorisant l'aérodynamique. Il faut toutefois rappeler que dès 1954 Flamino Bertoni avait étudié des avants plongeants. Le parcours professionnel chez Citroën de Robert Opron (un passage au service des Méthodes) dictera certaines formes des ailes, puisqu'en plus d'un style nouveau, les opérations de montage et démontage devaient être simplifiées. Paul Magès, ayant dans ses cartons un projet de phares orientables, fera également opérer quelques retouches pour adapter son système. La Citroën DS MkII offre donc un avant très plongeant, avec une petite calandre très fine et large et des optiques de phares carénés. Comble de raffinement, la Citroën DS éclaire donc également à l'intérieur des virages en roulant, grâce à un astucieux système de câblages. Les flancs et la poupe ne sont en revanche pas touchés par cette vague de modernisme. Si les flancs n'en avaient pas un besoin impératif, la poupe, un peu trop torturée auraient bien eu besoin d'un rafraîchissement. Mais faute de budget suffisant, Pierre Bercot, alors PDG de Citroën, a renoncé à aller plus en avant dans la modernisme. La Citroën DS conserve donc pour notre plus grand plaisir aujourd'hui ses cornets de clignotants. Sa silhouette reste en revanche étonnante de modernité. L'habitacle n'est pas trop modifié au lancement et il faudra attendre 1969 pour voir les nouvelles planches de bord tout plastique qui illustre notre exemplaire du jour. Le volant monobranche caractéristique se distingue par sa finesse et son assistance hydraulique. Même 30 ans après, la Citroën DS fait dans la différence avec un confort bien à elle. Votre corps s'enfonce dans les larges sièges de cette version Pallas, vos pieds semblent portés par la moquette épaisse, et immédiatement la clarté et la visibilité sont évidentes. Sur cette DS 23 Pallas, le levier de vitesses est situé derrière le volant juste devant les compteurs. La finition générale est correcte sans plus pour une voiture de ce rang et les plastiques intérieurs sont gris et de qualité moyenne.

Moteur Lorsque Citroën a dévoilé sa DS en 1955, la motorisation de la DS 19 était son point faible. Repris de la Traction Avant, il n'avait alors que très peu évolué. Les performances qu'il offrait donc à ce monstre d'avant-garde qu'était la DS étaient trop justes (bien que suffisantes pour l'époque). Il faudra attendre plusieurs années pour que la Citroën DS accueille en son sein un moteur qui lui fut digne. Certes, un six-cylindres ne sera jamais monté sous le capot plongeant de la DS, mais le quatre cylindres évoluera jusqu'à 2,3 litres et avec l'injection électronique, ce sont 130 chevrons sauvages qui piaffent sous le capot. La version DS 23 carburateur qui nous intéresse développe pour sa part 115 ch à 5 500 tr/mn. Placé en position longitudinal, il est coiffé d'une culasse à 8 soupapes. Pour l'alimentation, un carburateur compound double corps Weber 28/36 DMZ est monté sur notre DS du jour. A noter que selon le type de transmission, la référence de carburateur n'était pas la même. Pour la transmission, justement, la Citroën DS 23 est équipée de la boîte semi-automatique à 5 rapports. Déjà en 1955, la Citroën DS 19 était équipée de cette transmission semi-automatique. Il suffit de laisser votre pied gauche en repos et de passer les vitesses au levier. L'hydraulique fait le reste ! Si simple à l'usage et pourtant tellement novateur. Sur la route, la DS 23 offre une vigueur assez moderne. Le couple moteur de 19,1 mkg à 4 000 tr/mn donne un caractère propre aux moteurs alimentés par des carburateurs. Une sorte de moteur à deux visages. Dès que la puissance et le couple sont à profusion, la Citroën DS 23 accélère fort et roule vite. D'ailleurs, les chiffres officiels annonçaient déjà la couleur avec 173 km/h en pointe. Pas mal en 1974.
Chassis Pour sa DS, Citroën avait initialement expérimenté certaines solutions sur des Traction. Et lorsque le lancement de la Citroën DS est intervenu, le grand public a découvert en 1955 une suspension révolutionnaire. C'est tout un système hydropneumatique qui a été installé. Il est composé de quatre blocs huile-azote avec amortisseurs incorporés. Pour compléter ce système, des barres stabilisatrices avant et arrière, ainsi que des correcteurs de hauteur sont montés. Tout ce système qui posa tant de problème (tant aux clients, à l'usine qu'aux ateliers Citroën) à son lancement a donné tout son caractère et ses qualités routières à la DS. A l'arrêt, moteur éteint, la DS est posée par terre, puis dès le démarrage du moteur, l'auto monte sur ses suspensions pour maintenir ensuite une assiette constante, que la DS soit chargée ou non. La Citroën DS 23 Pallas avec sa suspension semble avaler la route et vous épargne les irrégularités. Depuis, certains constructeurs de prestige ont repris le même système pour garantir à leurs clients privilégiés un confort de roulement exceptionnel. Le train avant est constitué de roues indépendantes articulées sur deux bras tandis qu'à l'arrière chaque roue est tirée articulée sur un bras. La direction est assistée et à crémaillère. Pour ralentir cette déesse de la route, Citroën a monté des freins à disque à l'avant de conception maison et des tambours à l'arrière. Un double circuit de freinage est monté. Force est de reconnaître l'avance de Citroën alors en matière de liaison au sol. Par rapports aux standards des autos modernes, la DS manifeste certes plus de roulis, mais au global, le bilan est efficace et flatteur. Pas question cependant de conduire façon GTI. C'est plus une conduite typée Grand Tourisme qui sied à merveille à ce monument français de l'industrie automobile.
Acheter une Citroën DS 23 Pallas Qui n'a pas rêvé un jour de posséder une Citroën DS ? Surtout en 23 ! Que vous soyez un ancien utilisateur à l'époque de sa splendeur dans les années 70, un enfant bercé (sans souffrir de nausées !) sur la banquette arrière confortable ou un amateur d'autos anciennes performantes et au pedigree reconnu, on a tous été au moins une fois amusé, voire intrigué par la Citroën DS. Mais afin que l'intrigue ne tourne pas au film d'horreur, il convient d'être très prudent. Un des premiers réflexes est certainement de bien se documenter sur les différentes versions existantes et les évolutions par millésimes. Cela peut vous permettre de déceler des autos qui ne sont plus dans leur configuration d'origine. De nombreuses DS ont été " pallasisées ". L'inscription à un club peut permettre également de se faire assister lors de l'achat. Pour trouver une Citroën DS 23 Pallas carburateur, on en trouve à partir de 8-9 000 euros. Mais pour un bel exemplaire, avec historique et entretien, comptez environ 11 000 euros. Il faut savoir que les deux plus gros fléaux de la DS sont l'absence d'entretien et une faiblesse face à la corrosion. Il conviendra donc d'être très vigilant sur l'état de la carrosserie sous toutes ses coutures. Le moteur est réputé increvable s'il bénéficie de vidanges moteur régulières (tous les 5 000 km) avec remplacement systématique du filtre à huile. Les versions à injection électronique sont plus exigeantes car il faut surveiller l'état des durites d'essence régulièrement. Pour l'hydraulique, très présente dans l'auto, il faut vidanger le circuit tous les 30 000 km ou tous les deux ans au maximum. Ledit circuit doit être nettoyé avant d'être de nouveau rempli du liquide. Que cela soit la pompe haute pression ou toutes les canalisations, une inspection rigoureuse et régulière doit être opérée. Toute pièce défaillante doit être changée. Tous les 5 000 km, il existe des points de graissage à honorer sur l'essieu avant. Cela doit impérativement être fait pour garantir une longévité exceptionnelle à l'ensemble (environ 300 000 km). Pour le bon fonctionnement de la boîte de vitesses semi-automatique, il faut savoir que le carburateur doit être correctement réglé sur différents paramètres. Enfin, les habitacles ne vieillissent pas très bien et souffrent avec le temps. Alors la Citroën DS 23, mais également dans les autres variantes, nécessite un entretien ad-hoc, préalable nécessaire à un achat sans histoire. Après tout, un mythe cela s'entretient.
Conclusion En véritable star, la Citroën DS 23 n'est pas permise à tout le monde. Non pas que sa cote la place à des sommets déraisonnables, mais c'est surtout son entretien qui la rend exigeante. Une DS 23 en mauvais état se transformera vite en travaux d'Hercule, tant pour votre patience que pour votre porte-monnaie. Evitez en outre la DS 23ie, à moins d'en faire un point d'honneur, dont les caprices de l'injection électronique ne sont pas un vain mot. Si vous avez accepté ces principes de base, vous pourrez alors rouler dans une auto dont le charisme et la personnalité sont assis depuis longtemps dans le monde de la voiture ancienne : l'avant-garde à la française...
Nicolas Liszewski - L'Automobile Sportive, 28 avril 2005
A lire :

La Citroën DS de mon père : 1968-1976 Après un premier ouvrage sur la période 1955-1967, ce deuxième livre, consacré à la deuxième génération de DS, de 1968 à 1976, présente les remaniements de la gamme : nouveau museau, phares directionnels, circuit électrique, DS 20 ; mais aussi son évolution, année par année, sa vie quotidienne, son palmarès en compétition, raids et rallyes. En fin d'ouvrage, une étude technique précise l'évolution chronologique et toutes les caractéristiques de chaque millésime.

Votre Citroën DS Cet ouvrage propose tous les conseils d'entretien, de réparation et de réglages nécessaires pour conserver et faire fonctionner sa voiture de collection. Toutes les pièces de mécanique sont illustrées dans des vues éclatées très précises qui font de ces manuels de véritables bijoux techniques et pratiques au charme rétro.

Citroën DS : 50 ans de passion Cette voiture de légende méritait largement un ouvrage en forme d'hommage pour fêter un anniversaire pas comme les autres. Cet album se veut un regard original, recueil photographique mettant en avant les diverses versions de la DS, officielles ou officieuses, artisanales, utilitaires ou prestigieuses. Sous l'œil du photographe automobile Daniel Denis, telle un mannequin de mode, la Citroën dévoile le moindre de ses charmes. Par ailleurs, un texte historique, concis, réalisé par le journaliste Thibaut Amant revient sur les grandes heures de chacune des versions présentées.

Atlas des DS Citroën : De la DS 19 à la DS 23 Pallas Cet ouvrage, largement illustré par des documents d'usine issus des archives Citroën, offre une belle rétrospective de cette voiture populaire aux allures futuristes.

Citroën DS : La passion continue Vous trouverez dans cet ouvrage des modèles de série permettant d'illustrer toute l'évolution de la gamme D - ID ou DS, berline, break, cabriolet -, mais aussi des modèles inhabituels issus de carrossiers indépendants, tournés vers le luxe ou l'utilitaire, offrant une vision protéiforme d'une automobile sans cesse renouvelée. La compétition n'a pas été oubliée et l'amateur averti découvrira dans ces pages, magnifiquement illustrées de photos originales, de véritables trésors inédits, installés dans des décors de premier ordre... DS, la passion continue ! Thibaut AMANT, aujourd'hui journaliste indépendant, a publié une vingtaine d'ouvrages chez E-T-A-I. Il poursuit la saga de la DS à travers ce deuxième opus.
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